16 mars 2022
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Christiane Tourlet-Divedi, « Théâtre et dévotion », Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, ID : 10.4000/books.editionsehess.26132
La Rāmlīlā de Rāmnāgar est une représentation de théâtre sacré ayant lieu chaque année à la fin de la mousson, dans le village de Rāmnāgar, face à Bénarès. Elle dépasse toutes les limites auxquelles nous sommes accoutumés par son utilisation de l’espace, sa durée, le nombre de ses acteurs et participants, l’importance de son public, l’inventivité de sa mise en scène, la richesse des moyens mis en œuvre. Elle met en scène le texte sacré le plus populaire en Inde du Nord : le Rāmcaritmanas de Tulsīdās, qui conte la geste du dieu Rām. Elle dure une lunaison. Ordinairement, la séance débute à 17h et s’achève entre 21h et 23h. Elle requiert une centaine d’acteurs et des mannequins géants. Elle attire chaque jour un public de 10 000 à 15 000 personnes, mais certains épisodes peuvent drainer une foule de 100 000 spectateurs. La Rāmlīlā investit une superficie de 10 km2 environ. Elle fait usage des espaces les plus variés, artificiels ou naturels : forêts, bassins, carrefours, scènes montées sur tréteaux... La foule des acteurs et des spectateurs est amenée à cheminer, parfois sur des kilomètres, pour accompagner le Seigneur Rām. La Rāmlīlā est avant tout un théâtre sacré, qui exalte la dévotion. Les enfants qui incarnent les personnages divins sont considérés comme des dieux. Ils sont choisis avec soin, et se préparent à leur rôle avec rigueur. Les spectateurs, quant à eux, sont plutôt des participants. Ils ne regardent pas les épisodes se dérouler sous leurs yeux, ils les vivent comme s’ils se produisaient pour la première fois. Ils sont parfois même acteurs, se mêlant à l’action théâtrale, et faisant s’estomper les limites entre fiction et réalité.