17 janvier 2023
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
François Gros, « La littérature du Sangam et son public », Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, ID : 10.4000/books.editionsehess.48584
Récupérée par son public tamoul moderne comme l’écho d’un âge d’or, la poésie du Sangam n’est pourtant pas le reflet d’un auditoire purement dravidien. L’archéologie, les textes bouddhiques ou jains, les découvertes récentes de l’épigraphie tamoule attestent au contraire une intégration ancienne de l’Extrême-Sud. Cependant, l’originalité littéraire généralement reconnue au Sangam impose une vision régionale particulière de l’histoire. Sa périodisation difficile repose en fait sur des critères de style plus que de société ; c’est finalement la critique littéraire qui demeure l’instrument d’investigation le moins inadapté, face aux nombreux a priori des anthropologues et historiens qui, pour décrire la société qui s’est nourrie de ces textes, n’ont trouvé que des schémas vieillis et empruntés, aussi artificiels qu’étrangers au monde idéal mais structurellement cohérent de la poétique tamoule. Peut-être faudrait-il hésiter à demander aux poètes plus qu’ils n’ont l’ambition d’offrir : une vision symbolique destinée à projeter leur imaginaire au-delà de l’événement. Unique témoin de son public la poésie du Sangam, en un sens, le préserve du temps mais le dérobe à l’histoire.