27 septembre 2021
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Abdulkarim Ekzayez et al., « Ciblage des services de santé en Syrie : stratégie militaire ou dommage collatéral ? », Éditions de la Maison des sciences de l’homme, ID : 10.4000/books.editionsmsh.30503
Neuf années de conflit continu en Syrie ont été marquées par de nombreuses exactions commises contre des civils, certaines constituant des crimes de guerre. La plupart des acteurs impliqués ont commis de telles atrocités, mais le gouvernement syrien (GS) et ses alliés demeurent les premiers responsables. Sur une population de 21 millions de personnes en 2010, plus d’un demi-million de Syriens ont été tués jusqu’en janvier 2019, et plus de 13 millions ont été déplacés, soit à l’intérieur du pays, soit dans les pays voisins ou encore au-delà. En outre, les infrastructures civiles, notamment dans le domaine de la santé, ont été lourdement impactées, entraînant l’interruption de leurs services et beaucoup de souffrances. L’examen des caractéristiques de ces atrocités, de leur chronologie et de leurs conséquences, pourrait contribuer à en dégager les motivations. Si le GS affirme que ces attaques avaient pour cible des combattants civils, nous soutenons que les civils et les infrastructures civiles constituaient des objectifs militaires et stratégiques, plutôt que des dommages collatéraux résultant des attaques commises par le gouvernement et ses alliés. Les attaques contre des civils peuvent être motivées par un avantage militaire, en imposant la soumission et la capitulation ; elles peuvent aussi répondre à des objectifs à long terme, notamment le déplacement forcé et l’ingénierie démographique. La présente étude soutient, à l’aide de plusieurs exemples survenus tout au long du conflit, que le GS a adopté une stratégie militaire en cinq points, au cœur de laquelle figure le ciblage des services de santé. Cette stratégie repose sur cinq étapes consécutives visant à obtenir la soumission des populations civiles et à les affaiblir ; (1) assiéger et exténuer les populations ; (2) cibler les civils et les infrastructures civiles ; (3) cibler les professionnels de santé et les établissements de soins ; (4) proposer des accords de reddition et d’évacuation. Enfin, si tout échoue, la dernière étape, (5) est le recours aux armes chimiques. Cette tactique militaire a montré son efficacité en permettant de reconquérir la plupart des bastions de l’opposition au prix de la souffrance des civils et de la catastrophe sanitaire.