12 janvier 2021
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Pauline Ferrier-Viaud, « Le déclassement, une stratégie familiale pour préserver la lignée ? », Publications de l’École française de Rome, ID : 10.4000/books.efr.8998
Paule Payen épouse Hugues de Lionne en 1645 ; elle est la fille d’un riche financier parisien et apporte une immense dot de 500 000 livres tournois, il est d’extraction noble entame une prometteuse carrière dans le gouvernement de Louis XIV. Les fondations économiques et sociales du couple semblent donc solides. Cependant, l’année 1671 précipite le sort des deux époux : Paule Payen est publiquement accusée d’adultère par Hugues de Lionne. L’itinéraire qu’elle emprunte à partir de cette date est celui d’une déchéance globale, voire totale, au sens où tous les domaines de son existence sont attaqués. En effet, elle connaît un déclassement aux accents multiples : individuel, conjugal, familial, économique et social. Cet article vise à observer l’ampleur et les caractéristiques de cette déchéance, mais également à en comprendre les ressorts profonds. En effet, l’accusation d’adultère interroge puisqu’elle ne repose que sur la parole de l’époux et a pour conséquence directe de priver la dame de sa liberté et de ses droits sur sa dot, au profit de son mari. Or, plusieurs actions de Lionne ont fragilisé la position économique et sociale de sa famille : la lecture du contexte global qui entoure la chute de Paule Payen permet d’envisager l’existence d’une stratégie dont elle serait la victime. En effet, sa déchéance permet à ses héritiers de bâtir un rempart contre leur propre déclassement économique et social par la captation de la dot maternelle. Par conséquent, dans la société d’Ancien Régime, le poids du groupe, du corps, de la famille conjugale et de la lignée peut venir briser les destins individuels et un déclassement personnel peut masquer la crainte d’un déclassement lignager aux conséquences désastreuses.