22 août 2022
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Camilla Gjørven et al., « Nul / et ras… / et risible… Lecture de Clown », ENS Éditions, ID : 10.4000/books.enseditions.20975
Tôt attestée dans l’œuvre, la figure du clown est celle de la déconstruction. Son identité est encore largement à établir par le biais d’un travail héroïque d’allégement, opération où renverser les signes de l’appartenance sociale : la poésie est l’autre nom de la nudité. Chant de la déprise, Clown appelle à l’advenue à soi via cet exercice difficultueux où l’un doit trancher les liens qui le lient à l’univers – intériorisé ou non – des autres. Essentielle quête de liberté, se devenir (ou – c’est un même mot – se dédevenir) demande d’effacer l’image idéale renvoyée par les autres, alors rendue à sa nature d’illusion. Relayé par les sonorités en r, ce procès de tabula rasa – dont la volonté farouche est le poteau d’angle – permet de se désenliser. Payant son tribut à l’agir, la poésie, sport de combat, permet de se porter en avant. Elle ne passe pas seulement, elle passe outre, elle outrepasse. Le moi vaudra par sa capacité à intervenir dans le cours de sa vie. La menée d’exorcisme se lit à nu. Les affaires étrangères devenues affaires intérieures, l’envie d’ailleurs se résorbe en soif du dedans. Ce qui s’appréhendait en termes de superficialité se lit en une visée de profondeur passant par une salutaire auto-humiliation : clown c’est down. Par réduction, le rire fait abandonner les positions de survol. Se constituant comme tel dans ce travail, le sujet accède à soi. Moment de crise tout entier tendu vers le futur, laboratoire verbal à lui seul, et mise en cause des vertus du langage, Clown, à mesure que la litanie du rien l’envahit, marque la naissance d’un regard. Soutenu par la nécessaire paronomase risée-rosée, s’ouvre alors un espace salvateur : le poème est promesse de fraîcheur.