30 janvier 2014
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Faïza Boukraïaa, « Sir William Muir : l’européocentrisme scientifique victorien », ENS Éditions, ID : 10.4000/books.enseditions.794
Un orientalisme « scientifique » n’est-il pas une pure contradiction dans les termes ? Et, plus encore, l’idée d’un Européen se faisant « historien de l’islam » ? La biographie de Mahomet par Sir William Muir est très exactement contemporaine de la Vie de Jésus d’Ernest Renan (publiée en 1861), et témoigne de la force du courant historiciste dans la seconde moitié du xixe siècle - cet élan d’idéalisme scientifique qui pensait pouvoir rationaliser, si ce n’est même justifier, les principes de la foi. Mais à la différence de Renan, qui s’intéressait à sa propre religion, d’un point de vue « scientifique » mais aussi intensément piétiste, Muir à l’inverse se tourne vers une religion d’emblée vue comme antagoniste de la sienne. Et malgré sa volonté « d’objectivité » (adoptant une position relativement bienveillante à l’égard du Prophète, fondant son étude sur des sources musulmanes et faisant une large place aux textes fondateurs de la tradition), la démarche reste viciée par le contexte dans lequel elle s’inscrit : car il s’agissait moins d’accroître la connaissance que l’Occident pouvait avoir de l’islam que de renforcer par cette même connaissance les arguments que les missionnaires chrétiens prosélytes pourraient opposer aux musulmans, afin de faire triompher leur croyance : ici c’est bien la connaissance qui devait servir d’arme à l’apologie du christianisme.