2 juin 2014
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Manuel Burga, « Los profetas de la Rebelión (1919-1923) », Institut français d’études andines, ID : 10.4000/books.ifea.1731
Dans le Sud du Pérou (Huancavelica, Ayacucho, Apurfmac, Cusco et Puno) se déchaînent une série de soulèvements et rébellions qui ont pour cadre les grands domaines et les communautés de la région. A l’arrière-plan de ces événements, on distingue les effets d’une crise commerciale (chute des prix de la laine), la recomposition de la structure sociale (petits commerçants et classe moyennes) et les transformations politiques dues au passage de la “république aristocratique” au régime dirigé par Augusto B. Leguîa. Ces rébellions ont été étudiées comme des événements isolés, spontanés et sans aucun lien entre eux. Cependant, si nous les situons dans le cadre de l’histoire des luttes paysannes dans les Andes, nous découvrons que, pendant ces années-là, auprès des rebelles habituels qu’étaient les indiens des communautés, apparaissent les yanaconas et colons des grands domaines. Ce changement dans la composition sociale des rébellions ne répond pas uniquement à des facteurs conjoncturels. Il existe quelques éléments conscients que nous énumérons brièvement:I) Une idéologie qui dresse les paysans contre les mistis et parait revendiquer un retour au Tahuantinsuyo. Cette idéologie se base sur la Rama, vieille institution d’origine coloniale qui permet d’obtenir les fonds nécessaires pour entamer des litiges ou financer le voyage à Lima des dirigeants paysans.La “Rama” engendre l’apparition d’un ensemble de dirigeants d’extraction paysanne, composé de jeunes membres de communautés connaissant l’espagnol, de quelques anciens conscrits et d’autres faisant office de “tinterillo” (“avocassier”, avocat improvisé) dans les villages. Ils trouvent appui chez les intellectuels (journalistes par exemple) installés dans les villes du Sud comme Sicuani et regroupés tout d’abord dans “El Deber Pro-Indígena” et ensuite dans “La Asociación Pro-Indígena Tahuantinsuyo”. Ils furent tous qualifiés de “faux-apôtres” par les propriétaires terriens. Ces intellectuels partageaient des attitudes “indigénistes”: revendication du passé andin, espérances messianiques. Cet indigénisme répondait à des influences originaires de milieux ruraux, mais les échanges se produisirent également en sens contraire.Les rébellions des années 1919-23 furent vaincues. Les conflits et rivalités entre les paysans eux-mêmes constituent un facteur important pour comprendre un tel dénouement. Avant même l’intervention de la gendarmerie et de l’armée, la répression fut exécutée par les “armées” improvisées par les grands propriétaires. Il convient de rejeter représentations trop simplistes qui imaginent les conflits sociaux comme si les paysans formaient un bloc monolithique. Les prophètes de la rébellion et de l’utopie andine ne dirigèrent et n’influencèrent qu’un secteur de ce monde paysan hétérogène.