30 octobre 2013
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Marika Blondel-Mégrelis, « Le regard agro-écologiste des chimistes de la première moitié du 19e siècle », IRD Éditions, ID : 10.4000/books.irdeditions.4650
Nous nous proposons de montrer que deux chimistes, chefs de deux écoles opposées, doivent être considérés comme des pionniers de l’agro-écologie. Cet aspect de leur œuvre est peu connu, mais pas mineur. J.-B. Boussingault, est célèbre par des travaux de longue haleine sur la nutrition azotée des plantes et des animaux ; J. Liebig est universellement salué comme le fondateur de l’agriculture rationnelle, c’est-à-dire chimique. Le premier, alors qu’il n’est pas encore vraiment chimiste, le second, chimiste confirmé mais fatigué de la chimie pure, prennent en considération les activités humaines et étudient leur impact sur l’environnement. C’est que l’agriculture est une industrie humaine : il s’agit donc de mesurer l’action des êtres humains sur les ressources naturelles, dont ils sont déclarés responsables. Certes, ils raisonnent en chimistes et emploient les méthodes des chimistes, mesurant les entrées et les sorties, mais les systèmes qu’ils définissent ne sont pas coutumiers des chimistes : ils sont incomparablement plus vastes, dans l’espace et dans le temps. Leur hauteur et leur largeur de vue sont peu communes à l’époque, surtout chez les chimistes, sans doute héritées de l’immense naturaliste Humboldt, auquel ils sont tous deux largement redevables. Les règnes sont étroitement solidaires, les équilibres fragiles et mobiles, pour une part entre les mains des hommes. Les matériaux de base de l’agriculteur, les eaux, les sols, ne sont pas des richesses inépuisables ; il faut les manier avec circonspection. Des équilibres persistant depuis des siècles peuvent être rompus en quelques dizaines d’années, au profit des plus riches ou des plus avancés. Mais c’est l’ensemble de la planète qui, à moyenne échéance, en paiera les conséquences.