13 novembre 2015
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Simona Cerutti, « La richesse des pauvres. Charité et citoyenneté à Turin au XVIIIe siècle », Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman, ID : 10.4000/books.iremam.3497
Les legs et les dons adressés aux Hôpitaux et aux institutions charitables pendant l’époque moderne ont été lus en tant que symptômes du niveau de dévotion de la population, ou bien, dans une toute autre perspective, comme expressions de stratégies de contrôle et d’exploitation des « pauvres » et des démunis ; et finalement, en des temps plus récents, comme instruments dans des politiques de prestige et d’affirmation sociale des élites en compétition qui auraient transformé le terrain de la charité en une vraie arène de lutte politique. Cet article, portant sur l’Hôpital de la Charité de Turin au cours de la première moitié du XVIIIe siècle, adopte une autre perspective : il analyse l’énorme quantité d’investissements adressés à cette institution sous forme de legs, de rentes viagères, ou encore de fondations de lits, en questionnant, à nouveau frais, les raisons de ceux qui avaient décidé de soustraire des ressources au marché pour les immobiliser et les destiner au salut des pauvres. En particulier, l’article interroge les rapports privilégiés que l’on voit s’établir entre étrangers et l’Hôpital, les premiers figurant si fréquemment parmi ses bienfaiteurs.La menace représentée par l’application du droit d’aubaine, avec les saisies éventuelles des biens des étrangers ; la volonté de recouvrir des dettes souvent anciennes ; et encore, les problèmes soulevés par la conservation des propriétés des absents, voilà les contextes que les sources indiquent comme pertinents pour expliquer les formes prises par les legs et les aumônes ainsi que l’identité des bienfaiteurs. Une fois désignés comme « biens des pauvres » argents et propriétés jouissent d’un statut de « biens communs » qui concourt à leur protection particulière. Enfin, l’article développe le thème du rôle joué par les institutions charitables dans les processus d’intégration dans la ville.