2 juin 2021
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Sophie Alix Capdeville, « Émergence de la culture écrite saamie en Finlande à l’époque de la formation de la nation », LARHRA, ID : 10.4000/books.larhra.8038
L’Église évangélique-luthérienne suédoise était une église institutionnalisée, comme le sera celle du Grand-Duché autonome de Finlande au xixe siècle. Cette Église devait soutenir l’action de l’État lors de la prise du pouvoir de Gustav Vaasa avec l’introduction de la réforme luthérienne dans le royaume suédois. Pour assurer sa suprématie dans le nord du royaume des programmes d’évangélisation des autochtones étaient élaborés et clairement développés surtout durant le xviiie siècle avec des efforts de traductions d’ouvrages pour les pasteurs et les catéchistes en charge des régions saamophones. Le système d’éducation des Saamis perdurera pendant toute la période du grand-duché de Finlande : après avoir transféré sous l’égide de l’empire russe, les politiciens finlandais déployaient de grands efforts pour sauvegarder l’autonomie qui leur avait été accordée en 1809 et de développer l’usage de la langue maternelle de la majorité de la population – le finnois – qui n’a eu un statut officiel qu’en 1863 ; celle des Saamis était fortement négligée à l’inverse des préceptes hérités de Martin Luther. De nombreux textes législatifs affermirent l’usage du finnois dès les années 1840, après la fondation de la Société de littérature finlandaise en 1831. Comme Benedict Anderson le démontre, l’accroissement de la littérature publiée dans la langue vernaculaire – le finnois dans ce cas – participa à l’effort de la création de la Nation finlandaise surtout après les années 1860, processus désigné comme print capitalism. Il faut cependant observer comment ce développement s’effectua au détriment de la situation des Saamis : certains rares ouvrages furent traduits après maintes démarches et en trop petites quantités, ne pouvant pas répondre aux besoins réels de l’éducation des jeunes. Ceux-ci ont cependant créé des bases pour une littérature saamophone qui ne prendra son essor que dans les années 1940.L’histoire du livre saami en Finlande a pris son essor dans une dichotomie entre le pouvoir central établi à Helsinki (dans l’extrême sud), dans les chapitres (de Turku jusqu’en 1850, dans le sud-ouest, et celui de Kuopio depuis 1850 dans la région de Savo), d’avec les régions saamophones dans le nord du pays. Les décisions prises par le Sénat devant être appliquées par les autorités ecclésiastiques ne l’étaient que sporadiquement, les rares traductions ne pouvant ainsi répondre aux besoins des élèves et des enseignants sur un long terme ; l’enseignement devant trop souvent se dérouler en finnois que la majorité des jeunes saamis ne comprenaient pas. Nous avons donc affaire à un schéma décrit par Edward Said : le modèle d’enseignement étant celui établi par les fonctionnaires en poste dans le sud n’ayant aucune notion des conditions de vie et d’enseignement dans les régions saamophones. Veli-Pekka Lehtola a entrepris de grands travaux sur ces aspects du colonialisme opérés par les autorités finlandaises. Le travail des rares pasteurs qui ont tenté d’améliorer la situation n’a pu porter de fruits à long terme. Cette histoire de la culture écrite saamie ne doit cependant pas être négligée, surtout si nous prenons en compte certains rares textes écrits par des Saamis. L’histoire de la culture écrite saamie est le reflet de ce « colonialisme ».