2 juin 2021
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Myriam Deniel-Ternant, « Le genre ecclésiastique : peut-on être un ecclésiastique sans faire le mâle au xviiie siècle ? », LARHRA, ID : 10.4000/books.larhra.8093
Le travail sur la sexualité ecclésiastique permet d’articuler histoire religieuse, histoire ecclésiastique, histoire judiciaire, histoire sociale, histoire du genre et de la sexualité. Dans une démarche méthodologique proche de la micro-histoire, deux études de cas traités par l’officialité de Paris conjuguent ces divers champs historiographiques. Ces poursuites sont dirigées contre Claude Rivot et Charles Durand, qui ont charge d’âme. Tous deux font en effet l’objet d’une pluralité de chefs d’accusation parmi lesquels de scandaleuses fréquentations avec le sexe, des sollicitations voire des tentatives de viol, une naissance illégitime dissimulée, et la subornation de témoins. Au-delà du contenu de la plainte déposée, la plongée dans les archives révèle la pratique d’un travestissement sexué occasionnel, ainsi que l’existence d’une relation concubinaire dans laquelle la femme aurait pris l’ascendant sur le curé, régnant en maîtresse au presbytère. Le genre constitue ici une « catégorie utile d’analyse historique », grille de lecture visant à décrire les formes de domination entre les sexes, les fonctions de représentations genrées et les degrés d’acceptabilité de la population face aux transgressions de ces normes sociales et comportementales implicites. Celui à qui l’on dénie théoriquement toute sexualité, l’ecclésiastique, peut-il fait figure d’un troisième genre, asexué ? Ou au contraire sa masculinité apparaît-elle comme normale stricto sensu, excusant l’existence d’une pratique sexuelle ? Si l’appartenance au clergé ne supplante pas la masculinité, comment est reçue la confusion vestimentaire induite par le travestissement sexuel ? Enfin, comment interpréter le scandale suscité par une relation ancillaire déséquilibrée au sein du ménage presbytéral, sinon comme une forme de dérogeance de genre car renversant l’équilibre des relations de pouvoir ? Cette dérogeance n’est-elle pas aggravée par sa publicité, puisque le déséquilibre est de notoriété publique ? Dès lors, il existerait une forme de hiérarchie des déviances corrélé au fait de se conformer ou non à son genre.