4 février 2022
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Dongxiang Xu, « L’appropriation du néo‑humanisme en Chine : le groupe de la Critical Review et le Mouvement de la nouvelle culture », Presses de l’Inalco, ID : 10.4000/books.pressesinalco.43480
Le cas du groupe de la Critical Review illustre le caractère complexe et stratégique de l’appropriation du savoir occidental en Chine, au début du vingtième siècle. Fondé en 1922 en réaction à l’iconoclasme du Mouvement de la nouvelle culture, le groupe est souvent considéré comme conservateur, une appellation pourtant empreinte d’ambiguïté. En effet, si le conservatisme indique l’attachement à la tradition, le groupe incarne l’esprit conservateur au vu de sa défense du confucianisme, devenu l’objet de nombreuses attaques ; si la disposition conservatrice implique le refus de l’occidentalisation, le groupe n’est pourtant pas moins occidentalisé que les iconoclastes, car ses membres se penchent sur le néo‑humanisme, une école de philosophie étatsunienne fondée par Irving Babbitt, pour justifier leur soutien au confucianisme. Étant contre l’industrialisation accélérée, l’utilitarisme et la démocratie de la majorité de la société américaine, Babbitt appelle à une revitalisation de la civilisation spirituelle ancienne et se réfère constamment à l’enseignement confucéen comme une pensée faisant écho à sa philosophie. La société chinoise étant submergée par un « culte de l’Occident », les membres du groupe s’intéressent au néo‑humanisme, car ce dernier constitue un atout fort, leur permettant de se lancer dans le débat intellectuel de l’époque en invoquant une pensée étrangère pour appuyer leur prétention culturelle. L’appropriation du néo‑humanisme s’opère à deux niveaux. Il est d’abord transformé en une solution efficace, capable d’orienter la Chine vers une réforme ancrée sur autre chose que la science et la démocratie, comme le souhaitaient les iconoclastes. Le groupe utilise ensuite les notions propres au confucianisme pour traduire et expliciter les concepts du néo‑humanisme. Bien que l’adaptation du néo‑humanisme aide les lecteurs chinois à mieux saisir une pensée qui leur est étrangère, celui‑ci risque d’être réduit à l’équivalent d’un confucianisme diabolisé, et d’être rejeté comme allant à l’encontre des idéaux de progrès de l’époque.