1 février 2019
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Alessandro Barbero, « Les châtelains des comtes, puis ducs de Savoie en Vallée d’Aoste (xiiie-xvie siècle) », Publications de la Sorbonne, ID : 10.4000/books.psorbonne.12270
Le rôle du châtelain dans l’administration de l’État savoyard est connu depuis longtemps. Pourtant, les études récentes montrent que les fonctions officiellement confiées aux châtelains dans leurs lettres patentes ne représentent qu’une face d’une réalité bien plus complexe. Attachements familiaux, intérêts économiques, liens clientélaires influencent l’action des châtelains autant et peut-être davantage que le service du prince. La communication propose d’analyser l’ensemble du personnel châtelain dans une aire géographique limitée, la vallée d’Aoste, en suivant l’évolution de ce groupe social tout au long de son existence, depuis l’introduction des châtelains au xiiie siècle jusqu’à leur abolition par les réformes d’Emmanuel-Philibert, au xvie. Ce groupe, qui n’excède pas quelques centaines de noms, connut au cours de ces trois siècles des changements importants, qui offrent un miroir de la conjoncture politique, de l’évolution institutionnelle et des changements socio-économiques. Si, jusqu’à la seconde moitié du xive siècle, le comte de Savoie n’emploie que des étrangers en vallée d’Aoste, c’est-à-dire des Savoyards ou des Piémontais, après ce tournant l’intégration de la région dans l’État savoyard est telle qu’il devient de plus en plus impossible de séparer le personnel local des étrangers, d’ailleurs très prêts à s’intégrer dans les élites valdôtaines. C’est aussi vers la fin du xive siècle qu’une sorte de partage se dessine entre les grandes familles de l’aristocratie locale, les Challant d’abord, qui monopolisent les offices en se chargeant de leur responsabilité politique, et le milieu d’hommes d’affaires qui, en tant que lieutenants ou vice-châtelains, assurent au quotidien le fonctionnement concret de l’institution, tout en empochant une partie importante des bénéfices qui en découlent. Ce partage ne sera pas sans préoccuper les ducs entre le xve et le xvie siècle, lorsque l’État savoyard, politiquement affaibli, se découvrira moins fort que par le passé face aux élites régionales ; l’évolution même de la charpente institutionnelle de l’État se chargera pourtant de dissoudre ce danger au cours du xvie siècle, à mesure que les offices châtelains, de plus en plus réduits à la simple perception de revenus fiscaux, n’intéresseront que les manieurs d’argent, perdant tout leur intérêt aux yeux de la noblesse.