13 février 2020
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Lucie Jollivet, « Le milieu humaniste français et la réhabilitation de la mémoire de Louis d’Orléans », Publications de la Sorbonne, ID : 10.4000/books.psorbonne.40746
Le 23 novembre 1407, le meurtre avec préméditation de Louis d’Orléans, frère du roi Charles VI, par les sbires de leur cousin Jean de Bourgogne, remet la question de la justice au centre des débats entre intellectuels. En effet, après avoir avoué être le commanditaire du crime, Jean sans Peur revient sur ses déclarations et demande à une équipe de théologiens, dirigée par le normand Jean Petit, de préparer sa défense. Cette justification est exposée au public en 1408 et repose sur un argument, repris au jurisconsulte Cassius : vim vi repellere licet. Louis était un tyran, il était donc à la fois licite et juste de le supprimer. L’affirmation peut être considérée comme l’écho des débats autour du tyrannicide, qui agitent les humanistes italiens depuis la deuxième moitié du xive siècle. Mais l’actualité du crime rend la proposition de Jean Petit d’autant plus choquante que la justice royale se trouve paralysée face au refus de l’aveu. Devant l’incapacité de la justice publique à réagir, la famille et les proches du défunt n’ont plus d’autre choix que la vengeance comme moyen d’obtenir réparation. Le cercle vicieux de la violence est alors enclenché. Le milieu humaniste français, qui réunit des humanistes avérés et reconnus, tels Nicolas de Clamanges et Alain Chartier, et des universitaires, tentés par ce nouveau mouvement intellectuel, comme Pierre d’Ailly et Jean Gerson, s’activent en vue de la requalification du crime en homicide volontaire avec préméditation. L’enjeu est en effet immense : en pleine guerre de Cent Ans, il faut, pour l’emporter, d’abord mettre fin à une guerre civile qui déchire les Français et ensuite réaffirmer la sacralité du sang royal, afin de rassembler derrière le roi l’ensemble du peuple : la « vraie » paix est à ce prix.