15 octobre 2020
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Isabelle Cochelin, « Deux cuisines pour les moines : coquinae dans les coutumiers du xie siècle », Publications de la Sorbonne, ID : 10.4000/books.psorbonne.56568
À partir de quelques coutumiers monastiques du xie siècle, cet article démontre que divers monastères de l’époque (Fleury, Cluny, Fruttuaria et Hirsau) possédaient deux cuisines pour desservir le réfectoire des moines, une où les moines cuisaient fèves et légumes à tour de rôle, et une autre où des serviteurs laïques apprêtaient pour eux tous les autres plats (œufs, fromages, poissons, etc.). Hormis peut-être pour Cluny, le fait est peu connu des chercheurs parce que les moines eux-mêmes furent étonnamment peu diserts sur cette « autre » cuisine. Certes, elle semblait peu en accord avec la règle de Benoît, et leur silence partiel pourrait simplement s’expliquer de la sorte, mais il est aussi possible qu’ils ne l’aient pas vraiment vue parce qu’ils avaient suffisamment intériorisé les règlements les encourageant à ne pas « voir » le monde laïque. À l’aide du plan de Saint-Gall et de deux commentaires de la règle de Benoît du ixe siècle (de Smaragde et de Hildemar), ainsi que de trois analyses archéologiques récentes (San Vincenzo al Volturno aux viiie et ixe siècles, Landévennec du viiie au xve siècle et Saint-Philibert de Tournus pour les xe-xve siècles), il est aussi possible d’entrevoir comment la fonction relative de ces deux cuisines évolua dramatiquement au fil des siècles.