14 décembre 2017
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Émilie Badel, « Les bitumes au Proche-Orient ancien du milieu du VIIe au IIIe millénaire av. J.-C. : des marqueurs d’échanges dans les sociétés », Publications de la Sorbonne, ID : 10.4000/books.psorbonne.6836
Les bitumes sont classés en trois catégories : mélanges bitumés réalisés à partir d’un état visqueux de la matière, « mastic de bitume » et asphaltite. Fragments et objets en bitumes façonnés par l’homme ont été découverts sur un grand nombre de sites archéologiques au Proche-Orient ancien. Cet ensemble de matériaux a servi d’imperméabilisant, de colle, de mortier de construction mais aussi à sculpter ou modeler une variété d’objets, et à en colorer d’autres en noir. Les bitumes ont ainsi été utilisés dans de nombreux artisanats : industrie lithique, vannerie, céramique, statuaire, réalisation d’ouvrages architecturaux, batellerie, parure et vaisselle en « mastic de bitume » parmi tant d’autres. Dans les années 1930, la première classification des utilisations fut proposée par Robert J. Forbes (Royal Dutch Shell).Il s’intéressa également à la question essentielle de l’origine des bitumes collectés. Le long de l’arc montagneux du Taurus/Zagros, les sources d’approvisionnement ne sont en effet localisées qu’en quelques zones principales : entre Mossoul et Kirkuk dans les vallées du Tigre et de ses affluents, sur le cours moyen de l’Euphrate à Hit, et dans le sud-ouest iranien (Khuzestan). La perception de ces manifestations d’échanges nécessite l’approche archéométrique. Ce n’est qu’à partir du milieu des années 1980 et grâce à l’utilisation d’outils performants de la géochimie organique que des résultats concluants furent obtenus par Jacques Connan (Elf Aquitaine).Ceux-ci démontrent que les bitumes constituent des marqueurs de l’évolution des échanges à l’échelle régionale et interrégionale. Dès le milieu du VIIe millénaire av. J.-C., il est possible d’éclairer des axes d’échanges en Djézireh sur plusieurs centaines de kilomètres, ainsi que dans le Khuzestan dont les sources approvisionnaient les sites environnants mais aussi celui de Tell el’Oueili en Basse Mésopotamie durant l’Obeid 0 à 2. Durant l’Obeid 3 à 4, ce sont en revanche des bitumes provenant de la vallée du Tigre qui y sont utilisés à l’instar d’autres sites localisés sur le trajet et au-delà de la Basse Mésopotamie dans le Golfe Persique. Les sources d’Hit ne nous apparaissent que durant le Ve millénaire av. J.-C. L’approvisionnement depuis ces sources se développe durant la deuxième moitié du IVe millénaire av. J.-C. et s’intensifie durant le IIIe millénaire av. J.-C. Les textes de la IIIe dynastie d’Ur découverts en Basse Mésopotamie attestent enfin d’un commerce des bitumes à longue distance et fournissent des éléments intéressants sur la variété des bitumes collectés, les valeurs et les modes de transport.