26 avril 2021
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Sylvie Joye, « Le ravisseur et la femme ravie au haut Moyen Âge », Publications de la Sorbonne, ID : 10.4000/books.psorbonne.72447
Bien souvent, les couples issus d’un rapt ne passent pas devant un tribunal à la fin de l’Antiquité et au haut Moyen Âge en Occident, car un compromis est accepté socialement, alors que la loi y voit toujours quelque chose de répréhensible. C’est dans une Constitution de Constantin que naît le « crime de rapt » proprement dit : alors que jusque-là le rapt débouchait naturellement sur la formation d’un couple par le mariage réparateur, l’introduction d’une nouvelle définition juridique vise justement à empêcher toute reconnaissance d’un couple né du rapt. Le déshonneur ressenti par la parentèle de la femme, plus social que sexuel, pousse l’entourage à reconnaître le couple en dissimulant le rapt ou en obtenant que le ravisseur reconnaisse sa faute et fasse amende honorable devant la communauté. Le couple devient alors un couple de plein droit, comme ceux nés d’un mariage conclu selon les règles. Les lois barbares sont d’ailleurs en général assez permissives en ce domaine, tant que le ravisseur et la jeune fille ne sont pas de statut trop dissemblable, ce qui recoupe les préoccupations des parents. L’intérêt des ecclésiastiques, quasi nul à la fin de l’Antiquité, devient primordial à partir du ixe siècle, à propos du mariage et donc du rapt. Mais ceux-ci n’envisagent pas réellement les choses d’une façon différente : même si le couple est fondé sur l’amour ou du moins le consentement partagé (la réalité du consentement de la femme étant bien difficile à déterminer), la législation canonique sur le rapt montre un regain d’intérêt et de rigueur qui n’empêche pas la plupart des couples issus d’un rapt de perdurer : les traces du passage de l’homme (plutôt que du couple) devant un tribunal signent en général l’impossibilité de l’union.