26 avril 2021
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Patrice Bret, « La fabrique historique des archives scientifiques, entre savants et institutions : papiers privés et fonds propres à l’Académie des sciences », Publications de la Sorbonne, ID : 10.4000/books.psorbonne.73287
Papiers publics ou privés, archives organiques ou personnelles semblent des catégories bien définies sur les plans juridique et archivistique. L’histoire de la constitution et des avatars des fonds révèle une réalité complexe, souvent équivoque, où s’opposent le statut d’un centre de conservation, d’un fonds, d’un document, de l’information qu’il contient et les usages qui en sont faits. Quel(s) statut(s) donner aux archives scientifiques, en particulier aux archives personnelles des scientifiques ? Législation, pratique archivistique et exploitation historique apportent des réponses variées. La présente étude tente d’apporter des éléments de réponse pour le cas français en resserrant la focale de l’échelle macro des archives scientifiques à l’échelle micro du fonds et du document, en passant par l’échelon intermédiaire de la plus ancienne institution scientifique. L’invention des archives scientifiques, catégorie mouvante née de l’émergence de l’histoire des sciences et sans définition légale, est en France le fruit d’une prise de conscience assez récente et d’une collaboration entre historiens et archivistes, au prix de difficultés institutionnelles et matérielles persistantes malgré de réels succès. Mais le travail d’identification et d’inventaire, de sauvegarde et de conservation, d’information et de mise à disposition s’appuie sur l’existence de fonds dont l’histoire a déterminé l’organisation. L’histoire de la constitution et de l’organisation des fonds des Archives de l’Académie des sciences, lieu symbolique de l’activité scientifique, est éclairante à cet égard. Préoccupation constante des autorités de tutelle et des officiers de l’Académie royale au xviiie siècle, les archives en ont été sauvegardées tant bien que mal jusqu’à leur « reconstitution » progressive sous la IIIe République et leur professionnalisation à la fin du xxe siècle. À côté des archives organiques et de dossiers documentaires factices, les archives personnelles des scientifiques y forment un complément indispensable pour les historiens – menacé par un marché spéculatif pour d’autres. Mais les fonds d’origine privée que conservent les Archives de l’Académie des sciences recèlent aussi des documents publics. Lui-même fruit d’un long processus de dispersions partielles (jusqu’aux États-Unis) et de réunions successives, le fonds Lavoisier illustre la confusion historique entre privé et public. Mais, quel que soit leur statut, les documents sont d’un accès public accru hors de la salle de lecture, car l’édition des Œuvres et de la Correspondance de Lavoisier – qui a pu contribuer naguère à des dispersions matérielles – en met progressivement le contenu dans l’espace public, tout en opérant des recompositions virtuelles (notamment par la mise en ligne) par le regroupement des fonds dispersés.