29 novembre 2021
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Jean-Claude Schmitt, « Quand les sons étaient des voix », Publications de la Sorbonne, ID : 10.4000/books.psorbonne.88682
La culture médiévale distingue, comme nous le faisons nous-mêmes, la voix (vox), le son (sonus), la parole (verbum, sermo, loquela), mais observe entre eux un continuum sous-tendu par l’idée que tout son – et pas seulement la voix humaine – fait sens : il en va ainsi du chant d’un oiseau, du fracas du tonnerre, du gargouillis du ventre, du bruit provoqué par la chute d’une pierre, etc. Toutes ces « voix » mettent en garde, prédisent la mort, révèlent la présence invisible d’un bon ou d’un mauvais esprit et sont le langage habituel des démons. L’équivalence ainsi comprise du son et de la voix renvoie à une ontologie analogique, et non naturaliste comme la nôtre depuis les xviie-xviiie siècles, qui tranche avec notre définition restreinte de la voix humaine. L’étude précise des « voix » dans le Livre des révélations de l’abbé cistercien Richalm de Schöntal (m. 1219) en apporte la démonstration.