25 novembre 2022
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Caroline Callard, « L’historien, la mort, l’amas. Quelques remarques sur La mort à Paris de Pierre Chaunu », Presses universitaires de Caen, ID : 10.4000/books.puc.15402
Le grand livre de Pierre Chaunu sur La mort à Paris, XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles raconte la déviation d’un message théologique : la première partie de l’ouvrage insiste sur la radicale nouveauté du message vétéro-testamentaire consistant à isoler le monde des morts de celui des vivants (Abraham ne nous connaît plus !), mais la seconde partie, consacrée à l’analyse des testaments parisiens, montre la permanence et même la recharge de la solidarité des vivants et des morts dans le monde catholique. Ce retour anthropologique de la communauté des morts et des vivants devrait heurter cet historien qui revendique d’écrire en croyant, et dont la sensibilité protestante, rejetant le dogme du Purgatoire, s’attache à la rude pédagogie de l’Ancien Testament. Or, parce que les documents qu’ils ont laissés expriment l’angoisse des femmes et des hommes devant la mort avec une force incomparable, son empathie d’historien s’attache aux testateurs parisiens. Ce travail paradoxal des morts dans un ouvrage qui cherche à les arraisonner fonctionne comme un symptôme, celui d’un historien hanté par la mort, le deuil, et l’écriture d’une rencontre avec la morte primordiale : la dame blanche dont l’ego-histoire de Pierre Chaunu fait le récit. On montrera le rôle à la fois intime et épistémologique, mais social également, joué par cette figure totémique et la figure d’historien qu’elle fait advenir.