26 janvier 2024
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Sophie Lucet, « Le théâtre de la mémoire dans l’œuvre aurevillienne », Presses universitaires de Caen, ID : 10.4000/books.puc.23818
Dans Une page d’histoire, court récit poétique sur les traces de Julien et Marguerite de Ravalet, beaux incestueux du château de Tourlaville, Barbey d’Aurevilly glane pour un auteur de génie le matériau indispensable à son œuvre, la situation, les personnages, la couleur locale, et laisse bientôt le récit en suspens et dans une sorte d’inachèvement qui en fait la grande modernité. Quelques fragments, quelques visions, pour lever l’imagination ; quelques scènes pourrions-nous dire, tant le narrateur, « leveur d’empreintes » sur les lieux du forfait, présente ces traces au lecteur dans l’idée que, peut-être, elles exciteront son imagination au point qu’il visualisera les principaux épisodes de ce fait divers sanglant. Barbey d’Aurevilly serait-il alors, et bien plus qu’il ne l’a dit lui-même, un homme de théâtre ? Si la littérature dramatique contemporaine lui semblait une sorte de bêtise et qu’il rejetait globalement le théâtre français de son époque – « une nécropole, une chose morte, où reviennent des voix sépulcrales » – sa longue activité de critique dramatique lui permit sans doute de rêver à un drame idéal. Et c’est peut-être à ce théâtre mental, « à ce théâtre qui ne se joue pas en public » mais dans le secret de l’âme que Barbey d’Aurevilly songe au crépuscule de sa vie, à ce drame illimité de rester inachevé.