30 mai 2016
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/restrictedAccess
Monica Randaccio, « A Myth of One’s Own: Women in Marina Carr’s Plays », Presses universitaires de Caen, ID : 10.4000/books.puc.7149
Dans Transitions : Narratives in Modern Irish Culture, Richard Kearney, à la suite du philosophe français, Paul Ricœur, suggère que les mouvements nationalistes sont presque invariablement mus, à un niveau préconceptuel, par un « noyau mythique ». Pour analyser cette structure idéologique profonde, il nous faut disséquer « les strates d’images et de symboles qui constituent les idéaux de base d’une nation ou d’un groupe national ». Le mythe de la Mère Irlande (motherland), mis en scène avec tant de conviction par Yeats et Lady Gregory dans Cathleen Ni Houlihan, participe de ces « images et symboles ».Cathleen Ni Houlihan non seulement incarne le mythe primitif celte de la puella senilis (la vieille femme métamorphosée en jeune fille), mais elle subsume l’idéalisation de la femme comme une créature d’une sublime innocence, totalement détachée des contingences de ce monde. Une telle idéalisation de la féminité était destinée à rester presque inchangée jusqu’au XXe siècle.Toutefois, dans l’Irlande post-coloniale et post-nationale des années 1990, les paramètres définissant la féminité furent remis en cause et la dramaturgie irlandaise reconsidérée. Pour Anna McMullan, si les femmes sont absentes du panthéon national des dramaturges, ce n’est pas parce que les Irlandaises n’écrivent pas de pièces de théâtre, mais parce qu’aucune place ne leur est laissée. Par conséquent, les dramaturges irlandaises contemporaines défient le « canon » et « revendiquent la scène comme un espace où elles peuvent explorer la relation public-privé, politique-personnel, sexualité et genre, selon leurs propres termes. Marina Carr, l’une des plus célèbres dramaturges irlandaises de la jeune génération, exploite dans ses pièces références réalistes et mythiques, visites de créatures d’un autre monde et humour noir. Rejetant les vieux mythes du nationalisme, elle puise son inspiration dans les mythes fondateurs de la civilisation occidentale tels qu’ils sont présentés par les classiques grecs. À partir de vieux paradigmes, Marina Carr donne de nouvelles interprétations de la féminité qui s’avèrent conformes aux préoccupations des féministes. Par exemple, elle déconstruit ce qu’Hélène Cixous appelle la « pensée binaire patriarcale » et ses personnages semblent incarner une économie libidinale masculine et une économie libidinale féminine. Enfin, les protagonistes de Marina Carr illustrent ce que Julia Kristeva appelle la chora, cette pulsion rythmique qui constitue la dimension hétérogène et perturbatrice de la langue.