27 octobre 2016
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/restrictedAccess
Fabrice Delivré, « L’ombre de Lanfranc. L’espace canonique anglo-normand (XIe-XIIe siècle) », Presses universitaires de Caen, ID : 10.4000/books.puc.8582
Traitant des collections associées à Lanfranc, prieur du Bec (1045-1063), abbé de Saint-Étienne de Caen (1063-1070) et archevêque de Canterbury (1070-1089), sources d’autorité dans lesquelles sont puisés les principes de la pensée ecclésiologique et du gouvernement clérical, la présente contribution restitue le paysage canonique anglo-normand des XIe et XIIe siècles. À l’époque de Lanfranc, la Normandie est sous l’emprise des Fausses Décrétales pseudo-isidoriennes, arrangées selon l’ordre chronologique, tandis que le systématique Décret de Burchard de Worms sert de manuel dans les conciles provinciaux tenus par les archevêques de Rouen. Peu après son accession au siège de Canterbury, Lanfranc fit l’acquisition d’un manuscrit en provenance de l’abbaye du Bec afin de l’offrir au prieuré cathédral de Christ Church. La Collectio Lanfranci est une abréviation singulière des Fausses Décrétales, qui démontre combien le matériau pseudo-isidorien pouvait être retravaillé en profondeur et employé pour affirmer la primauté de Canterbury et promouvoir la réforme ecclésiastique dans les îles Britanniques. Toujours copiée dans le premier tiers du XIIe siècle, la Collectio Lanfranci ne doit pas être considérée comme le code de droit canonique de l’Église d’Angleterre. Mais elle reste une collection très diffusée dans les communautés cathédrales et monastiques, ouverte depuis les années 1080 à l’influence du Pseudo-Isidore (dans sa forme longue), de Burchard et, quelques décennies plus tard, d’Yves de Chartres. La deuxième moitié du XIIe siècle marqua un tournant. Éclipsée par les collections attribuées à Yves et par le Décret de Gratien, la Collectio Lanfranci perdit de son intérêt. À l’opposé, l’activité des décrétistes et des décrétalistes anglo-normands s’épanouit dans le nouveau cadre européen du ius commune, à l’écart de l’axe Bec-Canterbury emprunté par Lanfranc, Anselme et Thibaud.