29 septembre 2020
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Haris Shekeris, « Distance, enchantement et prise de décisions dans les sciences », Presses universitaires de Franche-Comté, ID : 10.4000/books.pufc.14007
Le point de départ de cet essai est un effet sociologique bien connu dans la vie courante, l’enchantement que la distance confère à l’objet ⁚ à mesure que le lieu de production d’un phénomène s’éloigne dans le temps ou dans l’espace social, les perceptions qu’on en a deviennent toujours plus « enchantées », nous sommes toujours plus sûrs des jugements que nous formons à son égard. La thèse que je défends est que cet effet s’exerce également dans les sciences, comme l’a proposé Harry Collins, le sociologue du savoir scientifique (1985). Je critique, après l’avoir exposée, la manière dont Collins rend compte de la clôture des controverses. ⁚ elle ne rend pas compte des décisions prises dans les sciences, ni celles fondées sur les sciences. Collins, selon moi, et c’est le point central de ma critique, n’est pas assez radical ⁚ il ne peut pas rendre compte de la manière dont des groupes qui restent à distance de la matière d’une controverse scientifique peuvent souvent affecter le contenu du savoir produit. Après avoir critiqué Collins, je passe à une analyse du phénomène du point de vue de l’épistémologie communautaire au sens de Kusch (2002). Les deux thèses principales de sa théorie sont que le terme « savoir » et apparentés désignent un statut social, et que le savoir est le plus souvent une propriété de groupes et non d’individus. De plus, le statut social du « connaissant » consiste en certains droits et engagements qu’il a vis-à-vis de la proposition connue. Je décris ces droits et engagements tels que Colllins les attribue aux différents groupes de sa typologie, pour finalement revenir au phénomène de l’enchantement par la distance dont je rends compte en m’appuyant sur l’épistémologie communautaire.