17 octobre 2018
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Michaela Enderle-Ristori, « Traduction et interculturalité : convergences chez Heinrich Mann, de 1900 à l’exil », Presses universitaires François-Rabelais, ID : 10.4000/books.pufr.9305
Heinrich Mann est incontestablement une figure-clé des transferts culturels franco-allemands de la première moitié du xxe siècle. Mais il aura échappé à ses nombreux interprètes à quel point ces transferts furent marqués par sa pratique de la traduction et de l’auto-traduction, antérieure ou concomitante de son activité littéraire.Notre analyse montrera comment quelques traductions d’auteurs français effectuées au tournant du siècle (A. Capus, A. France et C. de Laclos) ont donné des impulsions pour la genèse de son œuvre littéraire ultérieure, et contribué à façonner le modèle interculturel de l’intellectuel engagé, qui sera réactualisé dans une double perspective culturelle pendant l’exil français à partir de 1933. Fort de son image de représentant d’une Allemagne démocratique qu’il s’était forgée non seulement dans son pays, mais en France également depuis qu’y était parue la traduction de Der Untertan en 1922, Heinrich Mann endosse alors le rôle de l’intellectuel interculturel pour défendre l’« Autre Allemagne » devant les publics français et allemand. Il en résulte une œuvre publiciste en grande partie bilingue dont la meilleure illustration sera l’auto-traduction de La Haine/Der Hass (1933). Les limites de cette pratique de deux langues se manifestent néanmoins dans le domaine littéraire : son incapacité à auto-traduire ses romans ou à rédiger une œuvre de fiction directement en français empêchera Heinrich Mann de s’imposer comme romancier français, mais donnera lieu à une écriture partiellement bilingue, marque de son hybridation culturelle.