19 novembre 2020
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Xavier Tremblay, « Les daēuuas vus du Pamir et d’Israël Naïves réflexions sur des faits bien connus », Presses universitaires de Liège, ID : 10.4000/books.pulg.9514
Le témoignage biblique montre qu’un processus de démonisation dans le contexte d’un passage du polythéisme au monothéisme est complexe et progressif. Il ne se produit pas d’un coup et laisse des traces textuelles de cette transformation, par exemple des incohérences de nombre. Si un changement analogue a eu lieu dans le monde iranien ancien, ce ne peut être qu’en exprimant des divergences d’opinion et des hésitations. Un premier fait s’impose : daēuua- désigne en avestique un démon réel, non un dieu illusoire, une donnée qui résulte d’un retournement sémantique que rien n’explique du côté indien. Les éléments linguistiques et religieux du dossier suggèrent que ce retournement est commun à l’ensemble du monde iranophone. Il ne frappe pourtant pas l’intégralité des figures divines héritées : Indra, Nā̊ŋhaiθiia et Sauruua sont déclassés, mais pas les yazata Āp et Miθra, tandis que Vaiiuš n’est dénoncé que partiellement. De plus, l’inversion terminologique frappant daēuua- ne présente aucune signification d’ensemble, car rien de précis ne lie ceux qui sont frappés de ce titre infamant, notamment rien qui soit de nature fonctionnelle. Conséquemment, il n’est pas démontrable que le retournement sémantique résulte d’une réforme consciente. Le processus de démonisation a pu se produire par hasard, au cas par cas. En effet, dieux et démons étaient originellement proches par leurs natures respectives, et l’ordonnancement liturgique du sacrifice indo-iranien incluait un tri rituel depuis la plus haute époque. La polarisation entre bien et mal, exerçant son impérieux pouvoir d’une façon qui allait toujours croissant, exigeait un classement strict, mais les motifs qui présidaient à ce dernier ont pu relever de circonstances variées, fruit de l’activité d’écoles multiples et indépendantes. Ainsi ce que nous croyons devoir décrire comme un système a-t-il pu procéder de querelles mineures et ponctuelles.