19 novembre 2020
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Martine Vasselin, « La peinture flamande du xve siècle, une marchandise de luxe vers l’Espagne », Presses universitaires de Provence, ID : 10.4000/books.pup.13922
Les peintures ont été réintégrées récemment dans l’étude plus générale du commerce européen, notamment en direction des pays méditerranéens, et le cas des retables, des œuvres de dévotion plus intimistes et des portraits flamands du xve siècle, a intéressé par son prestige et sa diffusion lointaine et omniprésente. On évoque ici les caractéristiques de leur production qui les rendaient aptes à l’exportation vers la péninsule ibérique, les facteurs attractifs pour les peintres flamands tentés par l’émigration, tels que l’ancienneté des réseaux marchands, l’accueil favorable des cours aux nouveautés artistiques, une législation propice aux importations et installations. Cette histoire de la pénétration de l’ars nova flamande dans les régions d’Espagne a pu être précisée dans certains cas, même si des données quantitatives n’ont pas pu encore être fournies et la provenance de la plupart des œuvres être retracée. Peintures originales ou copies, dont certaines demandées expressément par les souverains, dérivations et imitations par les peintres ibériques, donations royales à des fondations religieuses de prestige, reprises de thèmes et de schémas de composition par les peintres ibériques, adaptation simplifiée et mêlée d’archaïsmes de la technique mixte associant l’huile à des mediums maigres, ont pu connaître un succès auprès des élites, nobles et prélats, confesseurs royaux et inquisiteurs, parce qu’elles ont coïncidé avec la reprise en main de la péninsule reconquise au catholicisme et qu’elles illustraient magistralement par leur réalisme détaillé les ouvrages de direction et de méditation spirituelle qui se multipliaient parallèlement. À la présence dans les royaumes ibériques en cours d’unification de nombre d’œuvres de Rogier van der Weyden, Dirck Bouts, Hans Memling répondirent sur place des œuvres peintes par des Flamands comme Juan de Flandes et les déclinaisons personnelles de peintres actifs en Catalogne et Aragon (Luis Dalmau, Jaume Huguet, Bartolome Bermejo) ou en Castille comme Pedro Berruguete ou Fernando Gallego. Des cours aux églises de campagne, cette réception enthousiaste mais qui transforme ses références et les plie à l’idéologie spécifique des commanditaires, explique que les histoires de l’art espagnol aient consacré traditionnellement un chapitre à une phase stylistique d’un demi-siècle baptisée « hispano-flamande », sans toutefois en explorer bien les phénomènes sur les plans social et économique.