9 décembre 2020
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Cecilia Nubola, « L’ennemi politique », Presses universitaires de Provence, ID : 10.4000/books.pup.17652
Cet article cherche à analyser la littérature judiciaire ou « de l’échafaud », c’est-à-dire les récits de procès et d’exécutions de condamnés pour le délit de lèse-majesté dans les États italiens de la première modernité. Ces récits concernent avant tout les nobles qui s’opposent aux tentatives de concentration du pouvoir par les princes. Paolo Orgiano, Alfonso Piccolomini, Giovanni Pepoli sont décrits comme des individus méprisables, des bandits cruels, violents, immoraux. Dans cette lutte sanguinaire pour le pouvoir, l’accusation de lèse-majesté criminalise une série toujours plus élargie de comportements qui deviennent des crimes politiques : rébellion, conjuration, hérésie, falsification de documents ou de monnaie, poésies ou récits satiriques (« libelles fameux »). Pour ces criminels, l’exécution pouvait survenir dans le secret ou, au contraire, dans la forme plus publique et meurtrière. Les récits, jetant le discrédit sur les ennemis, réalisent la fonction de soutien au pouvoir du prince qui se présente comme la source de la justice, celui qui peut seul garantir les communautés du pouvoir exorbitant de la noblesse et des violences commises contre les sujets. Au xixe siècle, le roman historique populaire, qui intègre et publie les matériels judiciaires et les récits de procès et d’exécutions, tend en revanche à récupérer dans un sens positif la figure du « noble bandit », sujet à de grandes passions et à des comportements assurément déchaînés et immoraux, mais non dénués de grandeur et d’héroïsme, et qui se bat pour la défense des libertés communales contre la concentration du pouvoir.