17 décembre 2020
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Clara Debard, « Le labyrinthe textuel des Bonnes », Presses universitaires de Provence, ID : 10.4000/books.pup.20164
Le texte des Bonnes est extrêmement fluctuant. Au fil des rédactions successives et même des publications, il ne cesse d’évoluer, voire de se contredire. Suivre le cheminement des variantes est une véritable gageure, ne serait-ce qu’en se bornant aux tout premières qui soient connues, c’est-à-dire en restreignant la réflexion à un ensemble manuscrit déposé à la Bibliothèque nationale de France, et en étudiant leur évolution depuis la première version restée entre les mains du metteur en scène, datable de l’été 1946, jusqu’à la création de la pièce, au Théâtre de l’Athénée, le 19 avril 1947. Même s’il est impossible de prétendre qu’elles sont toutes cohérentes ou personnelles, les variantes apparaissent comme un espace de dialogue entre dramaturge et metteur en scène. Elles sont quelquefois les vestiges de recherches stylistiques et esthétiques ambiguës. Leur multiplication au fil des manuscrits et même des éditions conduit à se poser la question de l’inachèvement quasi-inévitable du texte-rituel. Le flou, l’imprécision, l’ouverture du texte sont des idéaux d’écriture dont Genet est conscient qu’ils sont quasiment impossibles à concrétiser au théâtre. Les Bonnes sont une oeuvre première, inaugurale du débord des variantes dans l’écriture dramatique de Genet. Elles postulent que théâtre et rituel sont inextricablement liés et essentiellement variables. Louis Jouvet a été le premier metteur en scène à confronter Genet aux réalités scéniques. Il a donné un cadre propre à optimiser la réécriture de la pièce et a aidé Genet à fixer son texte face à la scène dans l’un de ses possibles, même si celui-ci a inévitablement emprisonné son imaginaire.