17 juin 2021
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Nassim Amrouche, « Descendre de la montagne », Presses universitaires de Provence, ID : 10.4000/books.pup.28625
Mis en service en 1997, le service de minibus, appelés « fourgons » par les résidents de la wilaya de Grande Kabylie, permet aux voyageurs de se rendre dans toutes les localités du département. Impulsé par l’État algérien et soutenu grâce au financement de la promotion des micro-entreprises dédié aux nombreux jeunes chômeurs, ce service s’inscrit dans un contexte de déréglementation du service public. En reliant toutes les localités villageoises montagnardes, ces fourgons impulsent des dynamiques nouvelles sur ce territoire paradigmatique du reste de l’Algérie, mais aussi des anciennes républiques alliées à l’ex-URSS. Si les migrations pendulaires existent depuis l’Indépendance, en 1962, le caractère exceptionnel de la noria de ces fourgons réside dans la massification du transport de voyageurs. En adéquation avec le développement des entreprises privées, ces migrations dépassent les simples mobilités, reconfigurant les territoires et leurs représentations qu’il s’avère intéressant de questionner sous l’angle des changements sociologiques en cours. Ainsi, les entreprises privées qui investissent un marché laissé libre après trente ans de socialisme d’État emploient de nombreux employés venus des montagnes, dont une part importante de femmes. Ces changements démographiques exercent un impact sur le territoire en permettant une mixité salariale, mais aussi dans l’espace public. Les entreprises de restauration rapide se développent, modifiant les commensalités et les rapports de classes par ces espaces partagés. Ce service privé soutenu par les autorités publiques pose la problématique du renouvellement urbain qui sera questionné sous l’angle du creuset social qu’est devenu Tizi Ouzou grâce aux fourgons.