25 mars 2022
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Anne Marie Christin, « De la figure au signe d’écriture », Presses universitaires de Provence, ID : 10.4000/books.pup.41550
Le point de vue que j’adopterai pour traiter du rôle de l’image dans la genèse de l’écriture sera celui de l’alphabet. C’est en effet en définissant la lettre comme un « élément », à la suite de Platon, que les Grecs ont introduit dans l’histoire une conception finaliste de l’écriture qui ne pouvait qu’en discréditer par principe les origines iconiques. Ce discrédit s’est trouvé renforcé par la conception de la « figure » induite par l’alphabet, celle d’être elle aussi un « élément » c’est-à-dire une unité fondatrice et distinctive, indépendante de son support. Ce n’est certainement pas un hasard si le « trompe-l’œil » est une spécificité de l’art occidental : il est la transposition directe de l’alphabet dans le domaine de l’image. Mais ces fermetures et ces occultations constituent également, par contrecoup, autant d’indices en quelque sorte « négatifs » qui nous indiquent la marche à suivre pour repérer dans l’image les prémices de l’écriture : il s’agit d’en identifier les manques, les oublis, les processus négligés ou méprisés. Je ferai quelques propositions en ce sens. « L’esprit géométrique » qui a présidé à l’invention de l’alphabet grec constitue un autre indice intéressant, et positif celui-ci : il témoigne de l’intervention d’une pensée analytique et abstraite dans la genèse de l’écriture, dont on a tout lieu de supposer qu’elle ne se manifeste pas seulement à l’étape ultime de son histoire mais qu’elle en a déterminé le processus initial. On cherchera à en trouver des preuves dans le graphisme figuratif fantastique.