3 juin 2022
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Eyrolles Suchet Stéphanie, « Le récit de Quentin Compson comme quête d’identité dans Absalom, Absalom ! de William Faulkner », Presses universitaires de Paris Ouest, ID : 10.4000/books.pupo.16907
Le roman Absalom, Absalom ! de William Faulkner est le récit de la vie de Thomas Sutpen, un planteur blanc dans le Sud des États-Unis, telle qu’elle est racontée par quatre narrateurs, dont le jeune Quentin Compson. Du fait de son appartenance au Sud, Quentin Compson est le véhicule d’un passé qui l’habite et qui le détermine à son insu. En effet, les fantômes du passé occupent tout son espace identitaire, ne laissant aucune place à l’identité propre de Quentin. Le jeune homme tente alors de combler cette faille identitaire et d’accéder à ce que Ricoeur appelle une ipséité par l’intermédiaire de son récit puisque Quentin trouve dans l’histoire de l’autre, Thomas Sutpen, des échos à son propre temps vécu. Le jeune narrateur fait de la vie de la famille Sutpen un reflet spéculaire de sa propre vie et se met lui-même en intrigue par la médiation des fils de Sutpen. En se reconnaissant dans son récit, Quentin s’engage dans un processus herméneutique qui le mène à une appropriation de soi, ce qui semble combler sa faille identitaire. Ce n’est qu’au regard de The Sound and the Fury, dans lequel le même Quentin se suicide, que cette conclusion peut être remise en cause. Si la narration de Quentin lui a permis de se construire une identité propre, pourquoi met-il fin à ses jours ? L’analyse de The Sound and the Fury nous incite à reconsidérer notre première lecture d’Absalom, Absalom ! à la lumière de la théorie de la Déconstruction initiée par Jacques Derrida. The Sound and the Fury met en scène la tension entre deux approches du discours différentes : un fonctionnement logocentrique représenté par Quentin et une approche déconstructrice figurée par le père imaginaire des dialogues intérieurs du jeune homme. Quentin se trouve alors dépassé par son impulsion déconstructrice et le récit oral qui devait se substituer à sa faille interne ne fait au contraire que la mettre davantage en lumière. Le suicide de Quentin est le signe que le jeune homme n’est pas parvenu à se créer, par la médiation de sa narration, une identité mimétique suffisamment forte pour suppléer sa faille originelle.