1 septembre 2021
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Gilles Viennot, « Voyages et âmes en déshérence dans les textes de Michel Houellebecq et Emmanuel Carrère », Presses universitaires de Paris Ouest, ID : 10.4000/books.pupo.9123
Gilles Lipovetsky diagnostiquait l’essoufflement de la société qui neutralise dans l’apathie ce qui la fonde, le changement. Jean Baudrillard observait que le monde devient une fiction malsaine. Basé sur deux romans de Michel Houellebecq (Les Particules élémentaires et La Carte et le territoire) et deux textes d’Emmanuel Carrère (Un Roman russe et Limonov), cet article montre dans sa première partie que ces narrations font figurer des voyages qui ne procèdent plus d’un enrichissement intellectuel mais d’un divertissement morbide, quête narcissique de soi et non ouverture à l’altérité. L’aéroport, supermarché aseptisé, devient la métaphore du monde postmoderne. La deuxième partie de cet article aborde les effets pervers de cette situation, tels qu’illustrés dans ces textes. Les voyageurs sont déconnectés, blasés. L’amitié, tant entre eux qu’avec les peuples rencontrés, est exsangue. La violence devient un moyen de soumettre les autres, et le surgissement tragique de celle-ci déclenche les seuls événements réels au sein d’une réalité qui se défile. De nombreux voyages ont partie liée avec la mort, aussi les voyageurs craignent-ils le monde extérieur et s’isolent. Le goût absurde pour le « traditionnel », la nostalgie, le « terroir », signale l’effondrement des cultures sous l’effet du capitalisme. Épuisé par le néant du matérialisme, rebuté par une fin de vie pathétique, l’homme vieillissant, effectue parfois un dernier voyage pour se donner la mort via l’euthanasie.