Médecine publique et peste en Italie au Moyen Âge

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15 janvier 2021

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Philipe Jansen, « Médecine publique et peste en Italie au Moyen Âge », Presses universitaires de Perpignan, ID : 10.4000/books.pupvd.11448


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Dans sa communication, Philippe JANSEN décrit un paradoxe : dans les communes urbaines du Bas Moyen-Âge italien, la récurrence des pestes suscite la vigilance par rapport à l’encadrement sanitaire des populations, mais cette mobilisation active des structures de normalité, au lieu de générer ponctuellement des dispositifs de crise. Philippe JANSEN étudie plus particulièrement la ville de Macerata, la capitale des Marches pontificales, près de l’Adriatique et au nord d’Ancône. L’auteur établit régulièrement des comparaisons avec des communes voisines, ou avec des cités plus lointaines, mais aussi plus importantes. Il peut ainsi établir que les données de Macerata ne sont pas atypiques. Elles s’inscrivent au contraire dans une pratique courante de la médecine publique, lorsque les conseils municipaux de l’Italie s’emploient à assister les pestiférés. Entre 1347 et 1534, l’Europe occidentale subit seize poussées de peste, avec une occurence qui revient tous les dix ans, en détruisant les amorces de récupération démographique. Face au fléau, les conseillers de Macerata produisent des écritures pour déplorer la dépopulation des quartiers, l’abandon des champs périphériques, la faible activité des tissages de laine, ou le départ précipité des ouvriers immigrés. Les registres témoignent aussi sur le dépeuplement ou sur les contagions qui frappent les communes voisines. Curieusement, la documentation municipale ne manifeste guère de fébrilité face aux pics pesteux qui peuvent affliger son propre territoire, jusqu’à plus de la moitié des feux perdus en 1349-1350. Philippe JANSEN explique cette apparence de détachement par l’impossibilité de vaincre la peste, le vecteur de la propagation étant totalement inconnu aux XIVe et XVe siècles. Dans ce cadre, il s’agit moins de guérir que d’accompagner les mourants, en limitant les désordres, les déplacements de malades, et les amoncellements de cadavres. Pour orchestrer cette police sanitaire, la municipalité utilise les services du médecin public qu’elle a coutume d’employer. Simplement, face aux pestes ou retours de pestes, la réglementation des soins est accentuée, tandis que l’astreinte des médecins officiels est renforcée. Globalement, malgré la fréquence des contagions, l’outillage médical de Macerata reste très léger : la ville comporte entre 5 000 et 10 000 habitants, mais elle n’abrite que deux hôpitaux modestes. Ces établissements sont gérés par les ordres mendiants et par les confréries de pénitents qui y sont rattachées. Assez fournie sur la vie hospitalière, la documentation est plus parcimonieuse pour ce qui concerne le médecin public. Ce dernier apparaît d’abord dans le registre des délibérations municipales de 1373. Ensuite, il est régulièrement évoqué par les registres de la période 1390-1447. Le médecin public est élu par le Conseil général de la ville, sur une liste réduite que fournit une Commission des Quartiers. La Commission est formée par quatre plénipotentiaires : un par quartier. Le médecin est placé sous les ordres du Chancelier municipal, assisté pour la cause par les prieurs de ville. Quinze médecins officient de 1390 à 1447. Treize viennent de villes voisines en exigeant des primes et des avantages en nature. Deux seulement proviennent de Macerata, mais ils exercent plus longtemps, et sont plus fidèles au poste. Treize praticiens sont qualifiés pour la connaissance des remèdes, deux seulement sont docteurs de l’Université. L’un des docteurs est Stéphane di Giacomo de Scapezzano, originaire de Macerata, très dévoué au Conseil municipal, et qui se perfectionne à l’Université de Bologne vers 1410. Le médecin de ville abat un travail immense et risqué. C’est pourquoi il monnaye fortement ses compétences. Devant le danger, il peut esquiver la reconduite de son contrat annuel, ou bien il exige une rémunération extraordinaire, ses appointements annuels grimpant de 60 à 100 ducats. À partir de 1427, le Conseil de Ville se soucie de partager la charge des directions sanitaires. Un deuxième médecin appointé est créé, ce qui permet d’instaurer un tour de garde, tout en renforçant l’obligation de résidence lors des phases de service. Dans un tel système, les deux médecins associés se partagent la rémunération de 100 ducats. Après 1443, les deux médecins municipaux reçoivent le renfort d’un confrère juif, qui porte le titre d’adjoint, en touchant 16 à 50 ducats. Le plus souvent, l’allocation de ces auxiliaires se limite à des gratifications en nourriture. À côté des adjoints juifs, les médecins municipaux s’appuient au besoin sur les médecins libéraux, qui tiennent boutique d’épicerie et remèdes. Les barbiers et apparentés chirurgiens peuvent également prêter leur concours. En théorie, la médecine municipale ne profite qu’aux résidents aisés, ceux qui peuvent se prévaloir du privilège de franche-bourgeoisie. Lors des chocs épidémiques, la municipalité doit surtaxer ses entrées de vivres pour payer ses praticiens plus nombreux : l’injustice devant les soins n’en est que plus criante. La municipalité l’atténue alors, en acceptant de soigner des résidents pauvres, et en convertissant une part des honoraires médicaux en exemptions fiscales pour les praticiens.

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