4 juin 2018
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Loraine Chappuis, « « La pomme de discorde » ? », Presses universitaires de Rennes, ID : 10.4000/books.pur.44776
Au XVIIIe siècle, la République de Genève réprime avec rigueur les couples coupables de « paillardises » (grossesses illégitimes) au travers de procès dont l’enjeu est d’assigner à l’un des parents la charge du bâtard. Cette attribution juridique de la filiation naturelle invite à interroger les incidences du procès sur l’intégration familiale de l’enfant illégitime. Les modalités de rejet ou d’accueil permettent d’en reconstituer trois seuils : le premier est celui du bâtard rejeté, que l’exclusion soit identitaire – par le refus de transmission du patronyme – ou physique – par l’abandon à l’Hôpital ou le mauvais traitement. Le deuxième est ensuite celui de l’enfant toléré dans le cercle familial, mais dont la place marginale ne résulte que d’une obligation juridique ou naturelle : aux côtés d’autres enfants légitimes, cette place est signifiée au bâtard par une inégalité de traitement. Le dernier seuil est enfin celui de l’enfant intégré pour lequel se développent des sentiments affectifs solides, bien que cette intégration fasse souvent suite à un mouvement initial de rejet qui semble structurer l’identité sociale des bâtards. La rigidité de ce modèle est toutefois nuancée par un dialogue engagé entre les parents et l’Hôpital Général, qui favorise en effet la création d’une place pour l’enfant naturel au sein de la famille.