26 novembre 2018
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Christian Biet, « Corneille, ou la résistance », Presses universitaires de Rouen et du Havre, ID : 10.4000/books.purh.10278
Comment analyser la désaffection des scènes à l’égard du répertoire cornélien, au regard au contraire de la permanence (relative) de Molière et de Racine ? Outre le tri opéré dans son œuvre dès le XVIIe siècle, Corneille depuis le XIXe siècle souffre du principe dramatique illusionniste et de la nouvelle définition, hégélienne et nietzschéenne, du tragique. Corneille, affichant toujours la théâtralité de son art, s’est trouvé plus propre à une déclamation cérémonielle : autour de quelques tragédies, s’est figé le répertoire codé, national voire nationaliste, du « héros fier et français », soumis plus tard à la distanciation brechtienne. Mais le théâtre de Corneille a résisté, tout comme à son embaumement muséal et scolaire. Du jeu dialectique et ironique entre fiction antique, codes de la tragédie classique et significations actuelles (J.-M. Villégier, B. Jaques) au formalisme savant de la déclamation baroque (E. Green), le double enjeu paraît celui d’une appropriation politique qui ne céderait pas devant la seule tâche de contextualiser des tragédies appréhendées avant tout comme des formes. Échappent alors les comédies et au premier rang L’Illusion comique, qui se prête aux jeux de la réécriture, au risque que le théâtre ne s’occupe plus que de lui-même, pour un public averti et restreint. Mais la résistance de Corneille peut nourrir notre espoir que des mises en scène viennent replacer son théâtre au cœur de la cité.