19 septembre 2019
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Vincent Grégoire, « La Tempête de Shakespeare », Presses universitaires de Strasbourg, ID : 10.4000/books.pus.5208
Nous lisons La Tempête de Shakespeare à la lumière des évènements qui marquèrent les débuts de l’implantation coloniale anglaise en Amérique. La pièce fait écho au naufrage dans les Bermudes du Sea Venture, vaisseau amiral de la Compagnie de Virginie, faisant route vers Jamestown. À travers la dimension onirique et imaginaire, ce sont les témoignages sur cet épisode réel qui résonnent et nous rappellent que les premiers projets coloniaux anglais s’inscrivent dans un horizon humaniste où il était question de fonder un nouveau commonwealth. Ces projets, aux accents utopistes, furent mis à mal par les intrigues florentines entre dirigeants, et par une difficulté à y intégrer pleinement les indigènes mais aussi les hommes de peu venus d’Europe, souvent anciens paysans dotés d’une autre expérience communautaire et chassés vers les villes par le mouvement des enclosures. La Tempête témoigne de cette crise du colonialisme naissant. La réponse qu’elle propose, à travers la figure de Prospero, s’inspire des leçons pessimistes de Tacite et Machiavel et consiste en l’affirmation de ce que nous appelons un humanisme discriminant.