24 juin 2020
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Yves Lavoinne, « Aragon et l’UNESCO 1946 : le spectre du fascisme », Presses universitaires de Strasbourg, ID : 10.4000/books.pus.7110
À l’occasion de sa première session à Paris, l’UNESCO invita une série de conférenciers à parler dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Or, le 28 novembre 1946, la célébration des valeurs culturelles le cède à la polémique. En effet, l’invité du jour, Aragon, refuse le titre qui figure au programme : « La culture des masses » ; puis il conclut par un réquisitoire contre les positions philosophiques du secrétaire exécutif de l’UNESCO, Julian S. Huxley.Ce double geste s’inscrit dans un contexte politique national et international, lourd d’enjeux. Le PCF souhaite accéder à la présidence du Conseil et donc tout discours opposant les élites et les masses disconvient. Surtout, l’URSS est la grande absente de l’UNESCO qui, selon Aragon, est ainsi exposée à une dérive technocratique sous influence anglo-saxonne.De plus, obsédé par les possibles résurgences du fascisme, Aragon verse dans la suspicion de principe envers ce qui est allemand ou soumis à l’influence germanique. En France, un ancien ministre du général de Gaulle se fait le chantre de l’homme occidental ; un socialiste ose confondre dans la même réprobation Barrés et Maurras ; bref les alliés d’hier basculent vers la posture d’ennemis de demain. Plus grave encore, le « pluralisme » a des échos jusqu’au sein du PCF.Néanmoins, la thèse maîtresse (la culture « une et indivisible ») relève de la conviction philosophique d’Aragon : le lien étroit entre l’attachement à la nation et une position de classe, jugée seule garante d’une authentique analyse politique.