24 juin 2020
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Lina Aghbarian, « Aragon éditeur de Marceline Desbordes-Valmore », Presses universitaires de Strasbourg, ID : 10.4000/books.pus.7140
En 1949, Aragon entreprend de publier, en feuilleton, dans Les Lettres françaises, L’Atelier d’un peintre de Marceline Desbordes-Valmore qu’il illustrera et commentera pendant six mois. Deux autres publications concomitantes, les premiers chapitres des Communistes parus dans Les Lettres françaises et la republication du discours Réalisme socialiste et réalisme français de 1937 dans La Nouvelle Critique de mai 1949, nous éclairent sur le sens à donner à son entreprise, en nous procurant la grille de lecture qu’il y applique. Aragon greffe sur le roman de Marceline Desbordes-Valmore son propre roman, et transforme, en mode d’expression, les deux univers, littéraire et pictural, qui s’opposent dans L’Atelier. En mettant ses pas dans ceux de Vaimore, Aragon relève la dualité littéraire et picturale de L’Atelier mais projette sur lui la dualité littéraire et politique, une dualité dont il fait part presque à chacun de ses commentaires et presque à chacune de ses illustrations. Il s’agit d’un prodigieux travail de réécriture où le génie d’Aragon rivalise avec son espièglerie. Une réécriture qui prend L’Atelier pour le socle sur lequel il construit son atelier révolutionnaire et dans lequel il dévoile, par l’extraordinaire construction en double, la réalité de la dualité qui constituait l’homme qu’il était. C’est un témoignage en acte sur le rôle instigateur qu’Aragon accordait à l’écrivain ; une mise à nu de son univers et un excellent exemple de l’écriture par collage. Rendre public le secret de sa bibliothèque au prétexte de réhabiliter Vaimore, n’est rien d’autre que la publication par Aragon du roman matrice du réalisme français, synthèse de toutes ses amours.