29 novembre 2017
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/restrictedAccess
Nancy Gonzalez Salazar, « Transferts culturels et scientifiques européens : à l’origine de la genèse du mouvement crématiste dans le Rio de la Plata au XIXe siècle », Presses universitaires du Septentrion, ID : 10.4000/books.septentrion.17810
Concernant aussi bien une circulation d’idées et de savoir-faire qu’une circulation de techniques, l’incinération des cadavres est une problématique particulièrement riche pour illustrer l’importance des échanges scientifiques dans le progrès de la médecine au XIXe siècle. Traversant une période de tâtonnements dans divers pays européens, qui cherchaient le moyen le plus rapide et économique d’incinérer les cadavres, l’aspect matériel fut toujours au centre des débats entre partisans et détracteurs de ce système. Ce fut d’ailleurs le manque d’appareils adéquats qui fit échouer son adoption en France à la fin du XIXe siècle.Pourtant, à la même période et bien que ne disposant que d’une infrastructure industrielle encore balbutiante, la région du Rio de la Plata a suivi de près le mouvement crématiste européen et l’Argentine a rapidement franchi les étapes nécessaires pour concrétiser son implantation. L’appropriation de ces connaissances s’est avérée ne pas être uniquement dépendante des contextes économique, social et même religieux du pays récepteur ; la vigueur et le dynamisme d’acteurs-clés, en particulier médecins français et argentins, ont été indispensables pour réussir à adapter ces modèles venus d’ailleurs. À la différence de ce qui arriva en Uruguay, où des barrières d’ordre religieux subsistaient et où le corps médical manqua d’intérêt pour ce nouveau système dans la gestion des cadavres, les médecins argentins étaient convaincus de l’importance de cette nouvelle technique médicale et de l’intérêt qui signifiait, pour le progrès médical local et pour l’amélioration sanitaire des villes, de mener à bien son appropriation. Profitant d’une structure administrative plus souple que celle que l’on trouvait en France à l’époque et grâce à la construction d’un discours scientifique cohérent, ces pionniers ont trouvé la ténacité nécessaire pour que le pays adapte la pratique crématiste à la précarité matérielle régionale. L’Argentine est ainsi devenue le premier pays d’Amérique latine à autoriser et à mettre en pratique l’incinération des cadavres, une démarche audacieuse largement reconnue par le milieu médical international de l’époque et, particulièrement, par la sphère médicale française.