29 novembre 2017
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/restrictedAccess
Serenella Nonnis Vigilante, « Quel avenir pour le corps mort ? », Presses universitaires du Septentrion, ID : 10.4000/books.septentrion.17821
Les études thanatologiques des dernières décennies montrent que, dans les pays de l’Europe nord-occidentale, l’histoire des politiques mortuaires à l’époque contemporaine est l’histoire de la pérégrination du corps mort d’un espace à l’autre. La fosse collective du cimetière paroissial jusqu’à la fin du XVIIIe siècle ; la tombe individuelle pour tous du cimetière communal laïc et public, à partir du Décret de Prairial an XII (1804) ; l’urne après la pratique de la crémation des cadavres dans les années 1880 ; la dispersion des cendres dans le néant, autorisée par le législateur de la seconde moitié du XXe siècle, sont les lieux réservés au corps des morts. Ce qui progressivement a engendré l’exigence de la réorganisation de l’adieu au défunt (à savoir le rite funèbre), ainsi qu’une nouvelle élaboration de sa mémoire. De nos jours, un riche éventail des modes de destination du corps mort ainsi que les multiples possibilités d’orchestration de l’adieu au défunt (organisé par les familles ou par l’individu lui-même de son vivant) se présentent sur le devant de la scène. Les individus hésitent entre la tentation du néant et le désir de laisser des traces, poursuivant, comme le disait Norbert Elias, « le fantasme de l’immortalité ». Inhumation, crémation, cendres conservées, cendres dispersées, toutefois malgré cette orchestration minutieuse de l’après mort, l’individu ne saura jamais quelle mémoire on conservera de lui, car en fin de compte, la mémoire des défunts est confiée à la générosité de ceux qui restent, sans assurance pour l’éternité.