20 décembre 2019
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Grégoire Kauffmann, « De Drumont à Maurras, une veine pamphlétaire », Presses universitaires du Septentrion, ID : 10.4000/books.septentrion.44364
Recours à l’injure antisémite, véhémence du verbe, attaques ad hominem, volonté de susciter la violence ligueuse : la parole pamphlétaire maurrassienne emprunte largement aux écrits de Drumont. Cette imprégnation remonte à la fin des années 1880, lorsque le jeune Maurras, critique à L’Observateur français, applaudissait aux charges de Drumont contre la « République juive », les abus du capitalisme et les errements de la société moderne. Tout au long de sa carrière, il ne cessera de se référer au combat du « pape de l’antisémitisme », estimant, comme l’écrit Léon Daudet, que les livres de Drumont « font partie du bagage intellectuel de tout royaliste d’Action française ». Néanmoins, dans les années 1900, à mesure que progresse son influence dans les milieux nationalistes, Maurras affirme de plus en plus ouvertement sa différence. Enfant du siècle romantique, Drumont exalte la puissance de l’imagination et de la sensibilité, valorise l’intuition au détriment de la sèche intellectualité, vibre à l’unisson d’une « voix intérieure » de nature mystique, supérieure à la raison. Nul élan semblable chez Maurras, qui reproche à Drumont la nature irrationnelle de ses écrits, son pessimisme, son incapacité à jeter les bases d’une méthode d’action cohérente et, surtout, son romantisme. Le style pamphlétaire du théoricien royaliste reflète ces divergences. Même dans ses éditoriaux les plus agressifs, Maurras fait montre d’une colère froide, cherche à rationaliser ses haines, se méfie des emportements de la passion : le théoricien perce toujours derrière le journaliste de combat. Polémiste dans l’âme, Drumont ne partage pas ces exigences, comme en témoigne la violence débridée de ses écrits.