10 juin 2012
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Marie-Christine Varol, « L’Empire ottoman à travers la biographie picaresque d’Eliya Karmona », Cahiers balkaniques, ID : 10.4000/ceb.1576
L’autobiographie romancée d’Eliya Karmona publiée en 1926, Comment naquit Eliya Karmona comment il grandit et comment il devint directeur du Djugetón projette un regard critique sur les tribulations d’un jeune homme juif dans les dernières années du sultanat, entre 1884 et 1908.Sur le mode sarcastique, maniant l’auto-ironie, il construit sur ses déboires un roman picaresque qui sacrifie à la loi du genre, mais qui s’apparente par d’autres aspects aux genres cultivés par les Judéo-Espagnols : le récit de voyage, le récit exemplaire, le traité sur les us et coutumes, les mémoires romancées, les proverbes. On y trouve aussi des éléments très ottomans comme le journal personnel, tenant compte des menus faits, des dépenses et des rentrées, dont P. Dumont et F. Georgeon (1985) ont montré qu’il s’agissait d’une habitude ottomane bien utile comme source d’information historique. L’auteur se livre dans cette œuvre à une critique acerbe et comique des pesanteurs du système ottoman, qui font obstacle à toute initiative, mais il critique aussi les raideurs communautaires qui pèsent comme un carcan sur l’initiative personnelle, l’inadaptation des structures et, partant, l’inefficacité des stratégies mises en place pour survivre par les individus. Cependant, son œuvre révèle en creux une certaine nostalgie pour le monde disparu. On perçoit l’admiration du héros et son attachement à certaines valeurs de ce monde ancien, et l’on ne peut s’empêcher de lui donner raison lorsqu’on mesure ce que les communautés juives ont perdu avec la disparition de l’Empire ottoman.