19 juillet 2018
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Gilles Chantraine et al., « La politique des droits en prison », Champ pénal/Penal field, ID : 10.4000/champpenal.2581
La sociologie contemporaine de la prison reste globalement sceptique quant à l’impact réel du développement des droits des détenus sur le fonctionnement des institutions carcérales. D’un côté, la consolidation relative des droits des détenus serait incapable de détruire la primauté sécuritaire de l’institution : des privilèges sont transformés en droits formels, mais les exceptions justifiées par la nécessité sécuritaire les retransforment en privilèges. D’un autre côté, cette consolidation ne permettrait pas d’en finir avec la vocation disciplinaire de l’institution, mais constituerait au contraire une source inattendue de sa revitalisation. Si cette critique double, dont on détaillera l’ossature générale, permet de saisir la force de l’inertie de l’institution, elle n’offre cependant pas de focale pertinente pour observer les usages concrets du droit en détention. Ouvrant, de manière exploratoire, une sociologie du cause lawering en matière carcérale, cette contribution décrit la manière dont différentes ressources juridiques sont mobilisées pour affûter la lutte contre l’arbitraire carcéral et renforcer simultanément sa légitimité sociale. Dans ce cadre, l’« innovation pénale », soit, ici, une prison qui respecterait l’ensemble des droits de l’homme, constitue moins le produit d’une transformation singulière qu’un devenir, une aspiration contre l’intolérable à partir de laquelle peuvent s’ordonner les luttes concrètes. Le constat empirique de l’effet d’entraînement réciproque de différents registres d’action (subjectivation, recours administratif, dénonciation médiatique) outille parallèlement une discussion d’ordre proprement théorique. Celle-ci consiste à démontrer que l’étanchéité mutuelle des concepts de police et de politique tels que forgés, en philosophie, par Jacques Rancière ne permet pas de saisir la dynamique complexe des luttes démocratiques contemporaines.