10 avril 2015
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Thomas Buoye, « Bare Sticks and Naked Pity : Rhetoric and Representation in Qing Dynasty (1644-1911). Capital Case Records », Crime, Histoire & Sociétés, ID : 10.4000/chs.1485
Cet article examine la rhétorique et les représentations inhérentes aux dossiers des procès capitaux chinois du XVIIIe siècle, période où la peine de mort fut étendue aux « bâtons nus », terme argotique désignant les hommes marginaux portés à la délinquance. Les empereurs Qing, en adoptant une politique pénale combinant le « profilage criminel » et le caractère supposément dissuasif de la peine capitale présentaient un sérieux défi à la bureaucratie judiciaire. Au plan idéologique, l’imposition de sentences cruelles et le ciblage des « bâtons nus » suscitaient un dilemme pour les magistrats locaux qui opéraient dans les limites d’une procédure de jugement et d’un système judiciaire étroitement bureaucratisés. Cet article argumente que ces magistrats utilisaient les dossiers judiciaires pour présenter sous un jour sympathique la pauvreté et le désespoir ruraux, en allant à l’encontre des dénonciations impériales de la criminalité violente. Selon un ethos judiciaire traditionnellement porté à l’indulgence et à la sauvegarde de la vie – leitmotivs de la justice pénale chinoise depuis des siècles – ces représentations jouaient sur les émotions pour clairement faire savoir au pouvoir central que plutôt que les déficiences morales des « bâtons nus », c’étaient les conditions économiques qui jouaient un rôle important dans la fragilisation de la famille et de l’ordre social.