1 mars 2012
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Sonia Vernhes Rappaz, « La noyade judiciaire dans la République de Genève (1558-1619) », Crime, Histoire & Sociétés, ID : 10.4000/chs.686
Sous l’Ancien Régime la mise à mort par noyade n’est mentionnée qu’occasionnellement dans les archives judiciaires européennes. Pourtant, de 1558 à 1620, la justice criminelle genevoise recourt régulièrement àcette pratique exécutive pour sanctionner les crimes « contre nature ». Au XVIe siècle, Genève, cité indépendante depuis 1525 et acquise à la Réforme depuis 1536, devient un refuge pour les réformés fuyant les persécutions religieuses françaises ou italiennes. Le durcissement du contrôle social et moral entraîne une sévérité accrue de la part des autorités civiles et favorise l’augmentation du nombre des poursuites pénales contre toute personne coupable de comportement déviant. À la demande des magistrats, des juristes rédigent des « Avis de droit » pour qualifier le crime ou motiver la peine; ces théoriciens du droit se réfèrent aussi bien au jus romanum qu’au Décalogue pour étayer leur argumentation. Exclusion, publicité, exemplarité ou rétributivité : quel que soit le mode d’exécution, la peine capitale condense les caractères spécifiques aux pénalités d’Ancien Régime. Le recours systématique à une nouvelle technique de mise à mort apporte-t-il une dimension supplémentaire à la grammaire visuelle de la peine ? Symbolisme purificateur ancestral, influences juridiques étrangères, exécution miroir du crime ou nouveau vocabulaire pénal à l’attention des crimes indicibles, la noyade judiciaire sanctionne un contentieux criminel de délits « contre nature ». La réflexion pénale dont elle résulte prend place dans un temps de transition entre jurisprudences médiévale et moderne.