15 novembre 2011
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Fanny Bertu et al., « L’invention des « arts populaires » – Yanagi Sōetsu et le Mingei », Cipango, ID : 10.4000/cipango.179
Plusieurs expositions parisiennes récentes se sont construites autour du design japonais et de ce mouvement de reconnaissance et de valorisation des « arts populaires » connu sous le nom de Mingei. Les objets sont beaux, et l’intention louable. Ne s’agit-il pas de mettre à l’honneur le travail de simples anonymes face à des Beaux-Arts «élitistes» et à la production de masse ? On s’étonne pourtant d’un discours « romantique » récurrent, et réducteur : le Mingei exprimerait l’essence même de la culture japonaise, il dirait le vrai Japon, celui que l’on peut aimer sans crainte, et que l’on est invité à admirer dans ses productions les plus contemporaines… Mais dirait-on que les bols bretons, ou les ronds de serviette préfigurent le design industriel français ? Que les santons de Provence, les ex-voto de nos chapelles expriment « l’essence » de la culture française ? N’est-il pas naïf, mais aussi dangereux, de soutenir qu’une culture contemporaine possède une essence, et que celle-ci est conservée et se révèle dans le « populaire » ? Notre histoire européenne, et pas seulement d’outre-Rhin, sait nous mettre en garde contre cette Lorelei de la pensée. Comment admettre que de grands musées français, dont la vocation scientifique – donc universelle – est clairement affirmée et si souvent vérifiée, puissent reproduire, lorsqu’il s’agit du Japon, et sans la moindre prise de distance, un discours particulariste aussi simpliste ? Tel est le sens du titre de ce dossier sur l’invention des « arts populaires ». Ce numéro de Cipango, préparé sous la direction de Christophe Marquet, aimerait faire comprendre combien il est délicat de tenir ce type d’affirmations, y compris à propos du Japon. Car ce Mingei qui séduit tant est bien évidemment d’abord un mouvement organisé, fruit d’une élaboration raisonnée et d’intuitions individuelles, dans un contexte historique particulier.