24 janvier 2014
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Amélie Deschenaux et al., « Le rire des victimes », Civilisations, ID : 10.4000/civilisations.3299
Dans la vie quotidienne, on s’attend spontanément à une réaction offensée, ou même violente, lorsqu’une personne est apostrophée au moyen de termes à forte connotation raciste (« négro », « sale youyou », etc.). Toutefois, une observation participante au sein d’un milieu ouvrier fortement interculturel nous a permis d’identifier de nombreuses situations où l’utilisation publique de stéréotypes culturels, voire racistes, déclenchaient au contraire le rire, y compris de la part des personnes qui étaient les cibles de ces blagues a priori douteuses. C’est le rire de ces « victimes » qui constitue le cœur de cet article. Nous tentons d’y montrer en quoi le fait de se lancer des «vannes» racistes, et d’y répondre par des rires, pourrait constituer un moyen de créer et maintenir une forme de communauté en dépit d’une forte hétérogénéité culturelle, répondant ainsi à une nécessité de « faire groupe » générée par les contraintes contextuelles de la vie en usine. La manipulation et l’appropriation de stéréotypes racistes propres à certains contextes multiculturels semblent ainsi participer à la régulation des rapports entre le « nous » professionnel et le « nous » d’origine, notamment par l’établissement de normes exclusivement en vigueur à l’intérieur du groupe de travail.