30 décembre 2010
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Gilles Col et al., « Compositionnalité gestaltiste et construction du sens par instructions dynamiques », CogniTextes, ID : 10.4000/cognitextes.372
L'omniprésence de la polysémie dans les langues force à considérer la compréhension des énoncés comme un processus dynamique, dans lequel le sens de chaque unité linguistique se détermine en même temps que se construit le sens global de l'énoncé. Ce processus d'interaction, que l'on peut appeler compositionnalité gestaltiste, s'oppose radicalement au mécanisme de compositionnalité classique prôné par les formalismes linguistiques qui sont fondés sur la primauté de la syntaxe. Cela revient au contraire à considérer la structure syntaxique d'un énoncé comme un résultat de la construction du sens, et non plus comme son initiateur. La compréhension d'un énoncé repose donc directement sur le processus d'interaction entre les différents composants élémentaires de cet énoncé : unités lexicales, marqueurs grammaticaux, relations positionnelles entre unités, ou, plus généralement, constructions élémentaires au sens des grammaires de construction. Modéliser ce processus dynamique constitue un enjeu essentiel pour tous les courants linguistiques qui, comme les grammaires cognitives et les théories de l'énonciation, récusent le principe de compositionnalité classique. Nous présentons dans cet article un cadre théorique dans lequel la dynamique d'interaction obéit à un principe de convocation-évocation : les différents composants élémentaires d'un énoncé contribuent à construire une représentation globale dans un espace intersubjectif que nous appelons scène verbale. Chaque composant sert à évoquer un nouvel élément de la scène verbale en construction, mais pour ce faire, il doit d'abord convoquer d'autres éléments présents sur cette même scène ou dans la situation d'interlocution. Le principe de convocation-évocation constitue ce qui définit l’identité d’une unité linguistique. Nous exprimons cette identité sous la forme d’une instruction dynamique de construction du sens et nous considérons que toute unité linguistique donne une telle instruction. Ainsi, le sens est bien le résultat d'un processus de composition gestaltiste, puisque la contribution de chaque composant élémentaire dépend de la contribution des autres composants présents dans l'énoncé. Nous montrons à partir d’exemples français et anglais une première tentative de modélisation de ce processus. Nous discuterons aussi du statut cognitif tout à fait particulier de ces scènes verbales, en défendant l'idée que les spécificités du langage humain découlent de cette fonction de représentation dans un espace intersubjectif, le terme de représentation n'étant pas à prendre au sens habituel en sciences cognitives, mais au sens premier de son étymon latin : repraesentare = rendre présent.