11 mars 2022
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Mélanie Traversier, « Les chanteuses à la barre », Criminocorpus, revue hypermédia, ID : 10.4000/criminocorpus.2691
Naples s’impose au XVIIIe siècle comme la capitale incontestée de l’opéra. Qu’elles se produisent dans les opéras bouffes ou dans les opéras sérieux, les chanteuses engagées dans les différents théâtres publics de la ville jouent un rôle essentiel dans la confirmation de cette suprématie. Pourtant elles demeurent encore nettement stigmatisées dans l’imaginaire social qui les considère au mieux comme capricieuses ou qui les disqualifie au pire comme de scandaleuses tentatrices attentant au bon ordre social. Les archives de la justice des spectacles attestent de cette ambivalence. La documentation judiciaire jusque-là négligée par les historiens de l’opéra révèlent les tensions internes à la société du spectacle qui opposent chanteurs et chanteuses aux directeurs de théâtre, mais elle met aussi en lumière les rapports complexes que les chanteuses d’opéra entretiennent avec leurs rivaux masculins, avec les imprésarios, comme avec leurs protecteurs ou leurs compagnons. Ce sont autant d’indices qui attestent de la singularité de leur carrière, de leur professionnalisation croissante, et au-delà de la promotion de leur registre et de la redéfinition positive mais heurtée de leur image dans les représentations sociales. À ce titre, cet article s’inscrit au croisement de deux historiographies récemment renouvelées et qui se sont emparées depuis peu du domaine du spectacle comme champ d’investigation : d’une part, l’histoire des rapports entre la justice, ses pratiques et le monde social du spectacle ; d’autre part l’histoire des arts de la scène et de la performance vocale telle qu’elle est désormais revisitée par les gender studies.